Peindre sur le premier support qui s’offre à vous, c’est un peu comme prendre n’importe quelle paire de chaussure pour aller escalader le Mont Fuji… C’est fort risqué ! :)
Alors pour une meilleure conservation de votre œuvre, pour un résultat de qualité et aussi pour ne pas avoir de mauvaises surprises lors du processus de création, mieux vaut opter pour un support adapté à votre technique et correctement préparé.
Pour cela, nous allons voir les différences de caractéristiques entre les supports. Les connaître vous aidera à mieux les choisir. Puis je vous expliquerai pourquoi il est nécessaire de les enduire et comment faire.
Le choix du support
Toile et textile
En peinture, la toile est le support le plus utilisé de nos jours. Son utilisation date de l’Antiquité mais c’est au XVe siècle que la toile devient l'un des principaux supports pour la peinture artistique, à l'instar des panneaux de bois. Cela s'explique probablement par l'évolution des machines à tisser à cette époque.
La toile est encore de nos jours utilisée en majorité car sa légèreté permet aux peintres de réaliser facilement de très grands formats et de pouvoir les transporter, contrairement aux panneaux de bois qui peuvent s'avérer très lourds au-delà d’une certaine taille. En revanche, la toile est sensible aux chocs et c'est notamment pour cette raison qu'il est conseillé de la maroufler ou de la tendre, évitant ainsi les déchirures et les rayures entre autres.
Il existe bien évidemment de nombreuses sortes de toiles, elles se distinguent par leur force (résistance) et leur finesse (leur grain). Plus le grain est gros plus la peinture accroche, donc favorise une bonne tenue mais peut cependant gêner la réalisation des détails. A vous de choisir selon vos préférences :
Le lin : Grain fin, fibres solides, résistantes et absorbantes. La meilleure des toiles mais aussi la plus chère.
Le coton : Grain fin, souple, se tend et se détend facilement. Peut donc être un défaut pour la peinture artistique. Son prix est bon marché par rapport au lin.
Le chanvre : Gros grains, fibres solides et résistantes. Il est surtout utilisé dans l’industrie, rarement dans les beaux-arts.
Le jute : La qualité est inférieure car la trame est assez grossière, le jute est donc préférable en décoration plutôt que dans les beaux-arts car il n'a pas beaucoup de tenue même tendu.
Le synthétique (polyester) : Reste neutre à l'humidité (ne se détend ou ne se rétracte pas). Assez bon marché. C’est donc un bon compromis entre la résistance du lin et le faible coût du coton.
Il est possible de trouver des toiles en rouleau facilement, mais pour plus de simplicité ces toiles sont très généralement déja tirées sur des chassis Entoilés
Dans le commerce, les toiles sont vendues sous différentes formes : soit tendues sur un châssis, soit au rouleau entier (environ 2mx10m), et parfois à la découpe (minimum 1mètre).
Afin de préserver la couche picturale, il est indispensable que la toile soit bien tendue, car le moindre mouvement peut être dommageable. Donc soit la tendre sur un châssis, soit la maroufler sur un autre support (panneau de bois par exemple).
Tendre une toile sur un châssis est un exercice assez complexe, donc pour les non avertis je conseille d'utiliser les toiles toutes prêtes (les châssis entoilés) disponibles en lin, en coton, en synthétique ou bien même en mixte lin/coton. Les formats disponibles dans le commerce sont standards, si vous avez besoin d’un format différent il est possible de les faire fabriquer sur mesure dans ce cas parlez-en à votre commerçant.
Autre textile
Si vous avez pour projet de peindre sur des vêtements par exemple, alors je vous conseille fortement d’utiliser une peinture spécifique. Il existe des peintures spécialement pour textile qui résistent aux mouvements, aux tractions, au soleil et à la machine à laver ! Ce qui n’est bien sûr pas le cas des peintures beaux-arts.
Papier
Le papier d'art est bien évidemment le support le plus commun, le plus abordable et le plus pratique. Mais attention toutefois de ne pas se laisser berner ! Il faut savoir l’adapter selon les techniques.
Le papier est fabriqué généralement à partir de fibres cellulosiques ce qui le rend naturellement absorbant. Lors de la fabrication, le processus et la quantité de colle utilisée vont déterminer la porosité et la résistance.
Pour parler de sa résistance, on parle de "grammage", qui est le poids du papier par mètre carré. Grosso modo, plus le grammage du papier est élevé plus il sera résistant (à l'humidité, aux chocs, déchirures, etc...) Par exemple, un simple papier dessin est de 70 ou 90gr, alors qu’un papier aquarelle est de 300gr.
Selon la technique utilisée, le choix du papier ne sera donc pas le même et cela aura pour conséquence son accroche et sa bonne conservation dans le temps. Il existe des papiers pour le dessin, pour la gouache et l'aquarelle, pour le pastel et également pour l'huile. Vous trouverez aisément des correspondants à chacune des techniques dans le commerce.
Pour les techniques à l'eau : Le papier doit pouvoir supporter l'humidité et doit être tendu afin qu'il ne gondole pas. Au minimum optez pour du 160gr, sachant que l'idéal pour l'aquarelle est au moins 300gr.
Le Papier d'aquarelle existe sous trois genres : Grain satiné, grain fin et grain torchon. Le grain caractérise l'aspect et la porosité de sa surface, le rendu en sera différent. Le grain satiné est le plus lisse, le grain torchon le plus « grossier ».
Ils existent dans tous les formats et même en rouleaux. Les papiers d’Extrême-Orient (Japon, Chine, Inde) sont fabriqués spécialement pour ces techniques à l'eau, ils sont donc résistants et absorbants malgré leur grande finesse.
La gouache étant une peinture opaque, l'astuce est d'utiliser des papiers de couleurs permettant ainsi d’agrandir le champs de création !
Pour les pastels : Il faut qu'il soit légèrement poreux afin que la matière accroche. Des papiers spécifiques sont prévus : Papier velours, pastelcard, pastelmat, etc… Disponibles en plusieurs couleurs.
Pour l'huile : Le papier doit absolument être marouflé sur un support plus rigide pour une bonne conservation de la couche picturale, sinon d’une part le papier finira par se courber, d’autre part les mouvements feront craqueler la peinture. L'idéal est le papier spécial pour l'huile qui est tramé comme une toile, on le trouve en bloc, à l'unité et en rouleau, tout cela dans différents formats.
Bois
Le bois est un support pour la peinture utilisé depuis l'Antiquité également par les Egyptiens, les Grecs et les Romains. Le mot "tableau" vient d'ailleurs de tabula qui signifie "table, planche".
Autrefois des panneaux de bois de chêne, de peuplier, de hêtre, de noyer et autres, étaient utilisés mais la fabrication étant exigeante (nervure du bois à respecter), elle est aujourd'hui très coûteuse. Mieux vaut privilégier les dérivés modernes qui en plus d'être à bas coût assurent une également une pérennité, tels que le contre-plaqué, le MDF (ou médium), l'aggloméré, etc.... En revanche attention au mélaminé qui lui est non-absorbant.
Privilégiez ceux qui sont fabriqués pour l'extérieur, ils sont moins sensibles à l’humidité car déjà protégés. De plus, l'épaisseur choisie doit être plus ou moins proportionnelle à la dimension du panneau. Plus le format est grand plus le panneau doit être épais pour éviter qu’il se courbe. Mais pour ne pas se retrouver avec une lourdeur impossible à transporter, dans ce cas il est recommandé d'utiliser des panneaux assez fins (4-5mm d'épaisseur) et de les coller à un châssis, ainsi vous obtenez un panneau léger, solide et pouvant être accroché.
Et pour une bonne préparation des panneaux, l'encollage doit se faire sur les 2 côtés, le rendant ainsi totalement hermétique!
La bonne préparation du support : une des clés de la réussite !
Pour une meilleure conservation, pour un résultat de qualité et aussi pour ne pas avoir de mauvaises surprises lors du processus de création, mieux vaut avoir bien préparé son support avant tout chose. Pourquoi?? C'est simple, certains matériaux sont trop absorbants, trop fragiles, trop sensibles et donc cet état favorise les craquelures, les changements de tons, les moisissures etc...
La préparation d’un support s’effectue en deux temps : La colle et l’enduit !
La toile par exemple doit absolument être encollée avant d’être peinte, cela permet d'une part de la rigidifier un peu, sinon sa souplesse naturelle risquerait d'endommager la couche picturale, et d'autre part de la protéger des attaques extérieurs (humidité, bactéries, etc...)
Dans le cas où vous utilisez les châssis entoilés du commerce, alors vous êtes tranquilles car ceux-ci sont prêts à l’emploi, vous n'avez donc rien à faire! Vous pouvez toujours les modifier mais ce n’est pas une nécessité. Leur blancheur tient au fait que l'enduit est déjà appliqué. Parfois certaines sont présentées comme "naturelles", ces toiles de couleur écru sont naturelles seulement par la teinte, car elles sont toute de même encollées.
Il existe plusieurs produits de mise en œuvre pour encoller son support, ils peuvent se classer en deux catégories : Les préparations modernes synthétiques prêtes à l'emploi (acrylique, vinylique, Caparol, etc...), et les préparations traditionnelles naturelles (colle de peau de lapin, de poisson, caséine, etc...). Mais celles-ci sont complexes et mieux vaut être averti pour les utiliser. C’est pourquoi je préfère me concentrer ici sur les produits que tout un chacun peut se procurer et utiliser à sa guise !
1ère étape : L’encollage
Il permet d’uniformiser le support, permet une bonne accroche des couches suivantes (enduit ou peinture) et sert d'enveloppe hermétique contre les attaques extérieures telle que l’humidité par exemple.
Alors que l’encollage est conseillé pour le papier et le carton selon les techniques, elle devient indispensable pour le bois et la toile si ceux-ci sont totalement vierges de toute préparation antérieure.
Le matériau magique pour cela : Le liant acrylique! Vous le trouverez aisément dans de multiples marques sous les noms également de binder ou bindex. Plusieurs quantités vous seront proposées allant jusqu'à 5l.
Le liant acrylique est composé de résine soluble dans l'eau mais irréversible une fois sec. Etant donné que c’est une résine plastique, l’acrylique est très résistante. Il suffit simplement de rajouter à ce liant quelques volumes d'eau afin de le fluidifier, et il est appliquable sur n'importe quel support. Ce produit est idéal car il est simple d'utilisation, qualitatif et facilement accessible.
A ne pas confondre avec les colles acryliques! Pour la préparation des supports mieux vaut utiliser les liants et non les colles, car les liants sont testés par les fabricants pour leur comportement avec les pigments, ce qui n'est pas le cas des colles. Les couleurs pourraient donc se modifier…
L’application :
Appliquez la préparation avec une large brosse, un spalter en soie de porc par exemple, sur les 2 côtés du support afin de le protéger complètement. De la même manière qu’on peint un mur : on étire bien le produit à l’horizontal et à la vertical. Plusieurs couches sont préférables. Cela minimisera les déformations physiques naturelles, comme la toile qui se détend et le bois qui se courbe.
Mieux vaut plusieurs couches fines qu'une seule épaisse. Et attendre le séchage complet avant d'appliquer la couche suivante.
2e étape : L’enduction
L'enduit (ou l’apprêt) est appliqué une fois que l'encollage est totalement sec. Il renforce la protection du support mais il permet surtout une meilleure accroche de la peinture sur tout support. Il est couvrant et permet de donner un aspect à la surface à peindre en lui créant un peu de relief, rugueux ou lisse, en le ponçant au papier de verre par exemple.
Le meilleur produit pour cette fonction est le gesso ! C'est un enduit déjà tout prêt vendu dans tous les magasins de matériel artistique en plusieurs quantités (allant parfois jusqu’au 5L). Le gesso est lui aussi à base d’acrylique, il se dilue donc à l’eau. Mieux vaut appliquer plusieurs couches fines qu’une seule épaisse pour éviter encore une fois les craquelures. Il s’applique absolument sur tous les supports !
Il a beau être blanc, il n’est pas à utiliser en tant que couleur car il pourrait avoir tendance à jaunir, en revanche comme enduit il est parfait. Il existe également en transparent et en noir, ou bien en version plus spécifiques, tels qu'absorbants (pour pouvoir peindre à l’aquarelle n’importe où), et poreux (pour pouvoir appliquer du pastels n’importe où) !
Une fois que votre support est prêt, les conditions sont bonnes pour que votre œuvre devienne pérenne. Alors il ne reste plus qu’à peindre !
Ecrit par Amandine Gilles