Un podcast de la série "Les Artistes ont la Parole". Pas d'image, juste une voix qui récite des paroles d'artistes célèbres. Le nom de l'artiste est révélé en fin de podcast.
--------------------------------------------- Transcription du Podcast
Mon cher ami, malgré que je tourne à l'hypocondrie, me voilà lancé dans un immense tableau 20 pieds de long, 12 de haut, peut être plus grand que l'enterrement, ce qui fera voir que je ne suis pas encore mort. Et le réalisme non plus, puisque réalisme il y a. C'est l'histoire morale et physique de mon atelier. Première partie ce sont les gens qui me servent, me soutiennent dans mon idée et participent à mon action. Ce sont les gens qui vivent de la vie, qui vivent de la mort. C'est la société dans son haut, dans son bas, dans son milieu. En un mot, c'est ma manière de voir la société dans ses intérêts et ses passions. C'est le monde qui vient se faire peindre chez moi. Vous voyez, ce tableau est sans titre. Je vais tâcher de vous en donner une idée plus exacte en vous le décrivant sèchement. La scène se passe dans mon atelier à Paris. Le tableau est divisé en deux parties. Je suis au milieu, peignant. A droite, ce sont les actionnaires, c'est à dire les amis, les travailleurs, les amateurs du monde de l'art. A gauche, l'autre monde de la vie triviale le peuple, la misère, la pauvreté, la richesse, les exploiter, les exploiteurs, les gens qui vivent de la mort. Dans le fond, contre la muraille, sont pendus les tableaux du retour de la foire, les baigneuses et le tableau que je peins. Seconde partie. Puis vient la toile sur mon chevalet et moi peignant avec le côté assyrien de ma tête. Derrière ma chaise est un modèle de femme nue. Elle est appuyée sur le dossier de ma chaise, me regardant peindre un instant. Ses habits sont à terre, en avant du tableau, puis un chat blanc près de ma chaise. Je vous ai fort mal expliqué tout cela, je me suis pris au rebours. Vous comprendrez comme vous pourrez les gens qui veulent juger auront de l'ouvrage, ils sentiront comme ils pourront, car il y a des gens qui se réveillent la nuit en sursaut en criant "Je veux juger ! Il faut que je juge". Figurez vous, mon cher client, de ce tableau dans la tête. J'ai été surpris par une jaunisse affreuse qui a duré plus d'un mois. Moi qui suis toujours pressé quand je me résigne à faire un tableau, je vous laisse à penser dans quelles inquiétudes j'était de perdre un mois, moi qui n'avait pas un jour à perdre. Enfin, je crois que j'y arriverai, j'ai encore deux jours par personnage, sans compter les accessoires. Malgré cela, il faut que ce soit fait.
Source : « Paroles d’Artiste » Editions Citadelle, 2012. Merci à eux.