Vous êtes avec Frédéric de Rart.fr et Catherine Courdil. Rappelez-vous, on a déjà vu Catherine sur notre chaine avec la séance au musée des Beaux Arts. Aujourd’hui, on a réussi à avoir avec elle quelques séances qui vont être « magiques ». Elle va nous parler de la manière d’enrichir une peinture à l’huile industrielle déjà de très bonne qualité pour lui donner différents aspects.
PEINTURE MATE OU SEMI BRILLANTE AU MEDIUM A L’OEUF X.L.
Tous supports
Peinture mate :
Ajouter 8 à 10 gouttes de médium à l’oeuf X.L. pour le volume d’une noix de couleur en malaxant bien la pâte avec le couteau à palette.
Cette dose est une dose maximum à ne pas dépasser : 4 à 5 gouttes modifient déjà sensiblement l’aspect et les réactions de la pâte.
Diluant concentré :
Mélanger après avoir les avoir fait tiédir au bain marie, loin du feu :
Siccatif flamand : 30g
Térébenthine de Venise : 10g
Essence d’aspic : 10g
Essence de térébenthine : 100 g
Diluant pour allonger les couleurs en cours d’exécution:
10% du diluant concentré
90% d’essence de térébenthine
Remplacer l’essence de térébenthine par l’essence d’aspic en fin de séance
Peinture semi brillante ou brillante
Ajouter 3 à 4 gouttes de médium (5 à 6 maximum) pour le volume d’une noix de couleur en malaxant bien la pâte avec le couteau à palette.
Diluant concentré (même recette que précédemment)
Mélanger après avoir les avoir fait tiédir au bain marie, loin du feu :
Siccatif flamand : 30g
Térébenthine de Venise : 10g
Essence d’aspic : 10g
Essence de térébenthine : 100 g
Pour ébaucher, ajouter à ce médium de base une quantité égale d’essence de térébenthine.
Diminuer l’essence en cours d’exécution.
N’employer le diluant concentré à l’état pur qu’en finale, et plus particulièrement dans les empâtements.
PEINTURE BRILLANTE A LA TEREBENTHINE DE VENISE
Support panneau lisse
Diluant concentré :
Mélanger après avoir les avoir fait tiédir au bain marie, loin du feu :
baume de térébenthine de Venise : 10g
essence de térébenthine rectifiée : 20g
Ce diluant concentré pourra être allongé soit avec une supplément d’essence de térébenthine, soit avec de l’essence d’aspic.
Diluant moyen :
Pour 3 volumes de diluant concentré, ajouter 3 volumes d’essence de térébenthine rectifiée
Diluant à évaporation plus lente :
Remplacer l’essence de térébenthine par l’essence d’aspic sensiblement moins volatile
Pour une noix de couleur en tube, ajouter 10 gouttes du mélange diluant moyen. Bien malaxer au couteau avant de la disposer sur la palette.
Le même diluant moyen sera utilisé pour allonger les couleurs en cours d’exécution.
Commencer par le diluant moyen, et terminer par le diluant à évaporation plus lente à l’essence d’aspic en fin de séance.
Donner de la matité et de la brillance à la peinture à l’huile
Dans cette première séance, on va travailler la matité et la brillance de la peinture à l’huile. Alors, on prend un tube de peinture extra-fine de bonne qualité vendu dans le commerce. Au lieu de la mettre directement sur la palette, on va d’abord la poser dans un premier temps sur une feuille blanche classique propre pendant 2 à 3 minutes. Notre objectif est simple : faire absorber une partie de l’huile que contient la peinture par le papier pour pouvoir rajouter avec une autre matière grasse plus tard. En effet, les fabricants mettent de l’huile pas très riche telle que l’huile d’œillette dans les tubes. Celle-ci pose problème lors de l’utilisation car elle ne sèche pas et ne permet pas d’obtenir plusieurs types d’effets. Par contre, elle contribue à la conservation de la peinture et maintient sa fraîcheur. Si on utilise de l’huile cuite dans les tubes, le durcissement de la peinture est quasi-certain. Quand on veut peindre à l’ancienne, on doit mélanger les pigments avec de l’huile cuite afin d’obtenir une peinture à l’huile riche. Pour les peintures en tube, on rajoute différentes substances composées qu’on appelle agglutinants une fois qu’elles sont allégées de leur huile de conservation.
Catherine va nous donner un aperçu de son côté chimiste, sorcier, qui se rapproche de la cuisine pour faire des essais et de nombreux mélanges. Aujourd’hui, on va se concentrer sur la matité et la brillance.
La fabrication d’une peinture à l’huile mate
Pour confectionner une peinture à l’huile mate, on prend un tube de peinture extra-fine de bonne qualité puis on laisse le papier absorber une partie de la matière grasse afin de pouvoir l’enrichir avec autre chose. En l’occurrence, ça va être un médium pour la matité mais on peut aussi rajouter autre matière comme un médium pour la brillance, pour l’empâtement, etc.
Cette étape n’est pas compliquée. Une fois que le papier a absorbé en partie l’huile d’œillette, on prend la peinture et on la pose sur la palette. Ensuite, on rajoute quelques gouttes de médium à l’œuf de Xavier de Langlais puis on mélange bien. Pour une noix de peinture, on ne doit pas dépasser 10 gouttes. Ca va donner une matière particulière à la peinture. Il faut faire ce mélange pour toutes les couleurs qui vont servir au tableau. Pour l’instant, c’est encore frais, soyeux, satiné et brillant mais en durcissant, ca va devenir mat.
Après, on prépare un diluant qui va servir de médium à peindre spécial. Ici, Catherine vous donne les mesures en gramme. Alors on va mettre dans un bol :
- 30 grammes de siccatif Flamand ;
- 10 grammes de térébenthine de Venise. Notez bien que cette dernière est très différente de l’essence de térébenthine. C’est un baume assez gras qui va nous servir de diluant concentré de base pour tout ;
- un petit peu d’essence d’aspic. C’est une essence de lavande qui sent très bon. Elle est un petit peu entêtante mais donne beaucoup d’onctuosité. C’est un diluant au même titre que l’essence de térébenthine ;
- 100 ml d’essence de térébenthine classique. Elle va liquéfier complètement le diluant comme l’eau dans une aquarelle.
Le mélange fait un peu émulsion mais à la fin ça va donner un liquide homogène. Pour faciliter la tâche, on peut tiédir tous les produits à utiliser sauf quand il y a de l’essence d’aspic. Cette dernière a tendance à mordre l’ensemble.
Voilà, maintenant on est prêt à peindre. On a simplement enrichi notre peinture à l’huile avec des techniques « à l’ancienne ». On utilise des ingrédients anciens mais on a préparé un médium moderne.
La fabrication d’une peinture à l’huile brillante
Comme précédemment, on pose la peinture sur une feuille propre pour que l’huile soit absorbée en partie. Puis, on place sur la palette la pate déshuilée. On prépare ensuite ce qu’on appelle l’agglutinant. C’est ce composant qui va apporter de la brillance à la peinture. On met dans un bol :
- 20 grammes de médium vénitien ;
- 40 grammes d’essence de térébenthine classique ;
- 15 grammes de médium siccatif de Harlem Duroziez ;
- 15 grammes d’huile de lin polymérisée.
A la fin, obtient un mélange qui ressemble fortement à du miel. Comme cet agglutinant est très riche, on n’en met pas beaucoup. Une dizaine de gouttes suffisent pour une noix de couleur. Ce médium va enrichir notre pate de peinture déshuilée. Après avoir bien mélangé, on obtient une couleur brillante presque laquée et transparente.
On passe maintenant à la préparation du diluant qu’on va utiliser pour peindre. Comme tout à l’heure, on utilise les mêmes ingrédients. On ne va pas refaire la démonstration car on peut utiliser ce qu’on a déjà préparé dans le bol. Par contre, les proportions ne seront pas les mêmes. Alors une fois qu’on a le diluant, on va encore rajouter plus d’essence au début du travail puis on va la diminuer au fur et à mesure. On va travailler selon la règle gras sur maigre c’est-à-dire qu’on veut que ce soit plus salissant au début et plus huileux après. Si on fait le contraire, les couches maigres du dessus vont sécher très vite et des craquelures vont se former. Quelle que soit la manière d’enrichir la peinture à l’huile et peu importe le médium préparé, l’important est de travailler toujours avec beaucoup d’essence au départ puis de la diminuer en cours de route.
Bon, on est un peu chez Catherine car elle a déplacé son labo de chimiste dans notre atelier pour pouvoir nous faire des démonstrations. C’est une artiste qui a son grimoire : le fameux bouquin réédité de Xavier de Langlais qui renferme de nombreuses techniques, des astuces, des conseils sur les formats et le nettoyage de pinceaux, etc. On connait déjà l’auteur à travers ses médiums et on pense qu’il a écrit cette « bible » au cours du XXe siècle. Dans l’article du blog, on va vous donner bien sûr les proportions exactes à utiliser mais également la référence de ce bouquin.
Annexe
On a remis la caméra pour une séance spéciale. Après avoir enregistré la vidéo, on a discuté et pas mal de questions et de réponses spéciales en sont sorties. On voudrait vous en faire profiter dans cette annexe.
Lorsqu’on a une toile sous nos yeux et qu’on souhaite en faire une copie, on regarde son aspect pour savoir quel mélange on va utiliser. Si c’est une Cézanne par exemple, on se rend compte que le peintre a utilisé une peinture très diluée car la couleur est presque transparente proche de l’aquarelle. Donc le mélange adéquat va tout de suite venir en tête. Il y a des peintres qu’on découvre facilement comment ils ont procédé comme ceux qui peignent de façon très aquarellée par exemple. On connait leur période et on devine tout de suite quelle matière on n’utilisait plus à cette époque. Mais si on doit peindre Van Gogh par exemple, il faut faire beaucoup de recherches dans des livres ou sur Internet pour mieux connaitre sa procédure et pour avoir une idée des techniques artistiques de son époque. Les recherches peuvent être effectuées notamment auprès du musée national gallery de Londres. Il offre au public pratiquement tout ce qu’il trouve et qu’il édite sous forme de bouquin.
En travaillant la peinture avec ou sans mélange, on n’obtient pas forcément la même chose. Par exemple, Delacroix a cherché à reproduire un tableau de Rubens. Il a réalisé une très belle œuvre mais il n’y est pas arrivé. Il a compris plus tard pourquoi il n’a pas pu reproduire la même chose. En fait, ils n’avaient pas les mêmes outils de travail. Sur sa toile, Delacroix était plus mou. On pense qu’il utilisait plus d’huile et moins de résine. Du côté de Rubens, l’usage intensif de la résine lui a permis de figer son travail et de mieux contrôler la forme. Il y a plus de maîtrise de geste chez lui que chez Delacroix. Rubens utilisait beaucoup de résine parce que ça fait partie de l’état de l’art de l’époque ou c’est ce qu’il avait trouvé pour mieux s’exprimer. On n’est pas une spécialiste de cette période mais à notre avis, il utilisait des produits de l’époque. C’étaient des gens qui avaient quand même beaucoup d’expériences. Dans les ateliers, ils avaient beaucoup de métier et utilisaient surement des recettes personnelles mais possédaient également des connaissances communes léguées par les anciens. Ils transmettaient leurs acquis dans leur atelier même comme l’archéologie c'est-à-dire par période.
Maintenant, il y a des produits qui sont passés de génération en génération : l’essence de térébenthine, l’essence d’aspic, les résines, les huiles, etc. Après, c’était la manière de les combiner qui donnait des choses différentes. C’est vraiment de la cuisine que de la chimie mais n’empêche qu’il y a quand même une vraie dimension, une interaction des produits. Même si vous prenez les mêmes ingrédients, les façons dont vous les combinez : la cuisson, le dosage, etc. vont influer sur les résultats et vous n’obtiendrez pas les mêmes choses. C’est très intéressant de revenir à tous ces produits qui permettent de réaliser des multitudes d’écritures différentes : on peut peindre en gras, en maigre, en épaisseur, en finesse, en opaque, en transparence ou réaliser pleines de combinaisons. Ce n’est pas en claquant les doigts qu’on obtient tout ça et c’est pas non plus juste sorti du tube. C’est un peu dommage car on est dans une génération où on a l’habitude des trucs prêts à utiliser mais néanmoins, ça vaut le coup d’aller voir. Cette réalité nous ramène à la remarque qu’un lecteur a publié lorsqu’on a filmé la vidéo sur comment fabriquer sa peinture à l’huile. Il nous a dit : « C’est vachement intéressant mais c’est plus compliqué que d’acheter sa peinture » et nous lui avons répondu que c’est comme une calculatrice : c’est bien de savoir s’en servir mais il faut déjà être passé par le calcul mental. Savoir ce qu’il y a là dedans et tout ça peuvent quand même vous éclairer et puis après vous allez vous dire que vous avez envie d’atteindre ce résultat, que vous allez chercher ce qu’il faut. Faire cette peinture vous apportera surement quelque chose. Nous, on ne le fait pas parce qu’on n’a pas beaucoup de temps mais on connait des peintres qui le font et le résultat est magnifique.