Respect car on a Dominique Darras dans la vidéo avec nous aujourd’hui. Elle a réussi à trouver un créneau dans son agenda pour réaliser une démonstration en live dans notre magasin. Ensemble, on va tourner une séquence de choix sur le sujet « peindre le ciel à l’aquarelle ». Dominique Darras édite des bouquins qui nous permet de peindre pas à pas les ambiances des environs de notre région jusqu’à la Baie de Somme. On en reparlera tout à l’heure. Dans le Nord, on a la chance d’avoir une lumière particulière, très changeante du matin au soir, ainsi que de ciels magiques mais pas de soleil écrasant.
Peindre le ciel avec de l’aquarelle
On aurait pu choisir de peindre les bords de mer à l’aquarelle car avec la Côte d’Opale, on a de très belle couleur. Avec cette dernière, on doit pouvoir sortir toutes les nuances et la sensibilité de ce type de peinture. Les ciels peuvent dégager les mêmes effets. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a choisi ce thème particulier. Pour cette séquence, on va comme d’habitude faire des pas à pas et réaliser des focus sur les différentes étapes. Mais avant, Dominique Darras va nous parler un peu des ciels peints à l’aquarelle.
Au fait, un ciel est très vite peint à l’aquarelle. Il faut y aller assez rapidement puisque plus on le touche, plus on fait des erreurs. Il va falloir attendre que le ciel sèche un petit peu avant d’entamer le bas du tableau. On peut distinguer plusieurs sortes de ciels : ceux d’hiver, d’automne, du matin, du soir, etc. Aujourd’hui, on va plutôt peindre le ciel de chez nous conformément à la saison – la vidéo est tournée en automne. Tant qu’à faire, on va vous montrer la technique des nuages. Peindre un ciel tout bleu est facile.
La préparation de la palette
Dominique utilise une palette déjà toute prête. Elle a juste rajouté les couleurs manquantes. Pour ne pas se tromper, acquérir les réflexes et aller vite, on vous conseille de rester fidèle à votre palette et d’utiliser toujours les mêmes couleurs. L’aquarelliste a souvent son propre rituel et ça nous donne envie de nous y mettre aussi.
Pour les couleurs utilisées, il vaut mieux qu’on fasse un focus sur la palette. On va réaliser un zoom sur les teintes qu’elle contient. Rappelons qu’on a tourné une vidéo avec Julien Delanssay sur les fabrications de toutes les peintures dont l’aquarelle. On a tout d’abord l’outremer maison préparé avec du pigment Sennelier et de la gomme arabique. Il est un peu gluant et plus liquide mais le secret réside dans le bon dosage. Ensuite vient le bleu Stonehenge que Dominique Darras aime beaucoup et qu’elle utilise énormément. C’est pour cela qu’elle le prépare elle-même sinon elle serait obligée d’acheter 5 tubes par semaine. Le bleu Winsor est aussi très beau mais il faut l’utiliser avec prudence car il est très violent, très vif. On peut trouver aussi du vert pâle et du rouge dans la gamme Winsor. On utilise le cobalt pour peindre les ciels d’été. Le bleu de Prusse est parfait pour le ciel du Nord. Le bleu d’envers est également une couleur très sollicitée dans l’aquarelle car il ressemble beaucoup à la couleur du ciel. Il est plus doux que l’indigo et plus lumineux. On applique aussi un peu de jaune de Naples ou de jaune cadmium mais ce sont des couleurs opaques donc à utiliser avec modération. On doit mettre ces types de peinture à part car ils sont très crémeux. Pour l’aquarelle, on utilise normalement des couleurs transparentes. C’est le cas du jaune Winsor. La terre d’ombre brulée permet d’obtenir la teinte naturelle du ciel. On obtient du noir en mélangeant le bleu avec du brun van dyck. On sollicite rarement le rouge mais pas le rose carmin et le cramoisi d’alizarine.
Pour réussir une aquarelle, il ne faut pas utiliser trop de couleurs. Essayez d’avoir une palette la plus limitée possible. Il est tout à fait probable de réaliser un beau tableau avec seulement 3 teintes.
Les étapes à suivre pour peindre un ciel à l’aquarelle
On enchaine sur les étapes du tableau. On commence par tendre un papier Arches à grain fin sur une planche en bois assez épaisse. Pour qu’il ne bouge pas, on le fixe avec un kraft gommé puis on rajoute de l’adhésif pour avoir une bordure blanche sur tous les côtés. Vous pouvez également travailler sur plexiglas si vous le souhaitez.
On passe ensuite dans la sélection d’une photo. Pour la démonstration, on a choisi l’image d’un ciel dégagé du Nord, celui de Parissis. Pendant la première étape, on va recouvrir tout l’endroit où on va faire le ciel jusqu’à la ligne d’horizon. Il faut respecter la règle des deux tiers parce que le ciel du Nord doit être très grand si on veut lui donner une impression un peu dramatique.
On va mouiller le papier jusqu’à l’horizon avec de l’eau claire, un polyamide doux qu’on applique avec un spalter. Il faut que la feuille soit mouillée à cœur donc prenez le temps de bien l’humidifier. La connaissance du cycle de l’eau vous aidera à connaitre le bon taux d’humidité. Si on met beaucoup d’eau, la couleur va fuser et provoquer des auréoles. Il faut que le liquide soit bien réparti. Evacuez tout excès d’eau en inclinant la planche. Une partie de la feuille doit refléter un côté glacé un peu miroir et devenir brillant. Le papier arches absorbe beaucoup car c’est une matière 100% coton, ce qui n’est pas le cas des feuilles 100% cellulose. Les effets obtenus vont être magnifiques mais il n’y a pas trop de repentir, enfin moins que sur le papier Montval. On a d’ailleurs vu ça avec Dominique Coppe. C’est bien qu’il y a plusieurs sortes de papier pour qu’on puisse choisir : Arches, Sennelier, Montval, etc. Les deux premiers sont les meilleurs et leurs prix sont accessibles.
Voilà, le papier devient brillant donc on va retourner la planche pour travailler du bon côté. Il est devenu mat satiné. On va mettre un petit trait pour démarrer le ciel. Tant que le papier est mouillé, on a tout notre temps pour travailler. On commence le travail avec le cobalt pour son côté bien clair. Même si ça fuse très vite, on peut quand même contrôler la couleur en bougeant énormément la planche. Comme on ne peut pas revenir plusieurs fois sur le ciel, tous les gestes comptent. L’idée est de toucher la toile le moins possible avec un pinceau. On doit savoir un petit peu où on va dès le départ. On peut retoucher le ciel mais il faut que l’eau et le pigment soient stabilisés sinon ils seront bousculés et des auréoles vont se former. L’œuvre ne ressemblera pas complètement au modèle mais on peut puiser notre inspiration dans ce dernier.
On prend la couleur bleu d’Anvers et on rajoute du brun van dyck et un petit peu de rose. Il ne faut pas avoir peur de faire le mélange. On voit bien que notre papier commence déjà à sécher. Il faut laisser des blancs pour les nuages. On s’aperçoit que le papier donne des effets superbes et tout en restant clair. On attend qu’il soit sec pour charger beaucoup de couleurs avec une grande prise de risque. Cette étape est indispensable puisque l’aquarelle perd 40% de sa coloration en séchant. On accompagne le pigment avec de l’eau et on laisse le mélange descendre en inclinant la planche. En voyant cette étape, on peut dire que l’aquarelle est une bonne école de lâcher prise. Pour éviter les reflux, on remet la planche à plat puis on troque le petit gris pour un pinceau pour ne pas ramener beaucoup d’eau. Même si le papier gondole, ce n’est pas grave. Il faut juste veiller à ce qu’il n’y ait pas de rétention de pigment. Pensez à bien fermer les coins pour garder l’œil du spectateur sur le tableau. Lorsqu’on entend le crissement du papier sous notre pinceau, on sait qu’il est sec.
Qu’est ce qu’on peut dire sur la peinture du ciel à l’aquarelle ? Cette pratique n’est pas compliquée mais c’est risquée et imprévisible. On n’obtient pas toujours ce qu’on veut et les gens n’osent pas en général prendre des risques. Dans notre toile, on va créer de gros nuages d’orage chargés typiques du Nord. On va ouvrir les blancs avec un pinceau. On peut également tirer ces failles avec une règle ou un spalter. On risque de créer des auréoles mais il n’y a pas de souci car dans un ciel, il y a un peu de tout. Il faut juste ne pas ramener plus d’eau qu’il y en a déjà sur le papier. Même s’il est en train de sécher, il est quand même suffisamment humide pour y travailler. Tous ces blancs vont apporter de la lumière. Ici, on a une auréole qui s’est formée. On ne va pas l’enlever car elle pourrait imiter un arbre.
Contrairement à la peinture à l’acrylique, on recherche dans l’aquarelle le côté imprévisible. Ce n’est qu’après plusieurs essais qu’on peut anticiper les effets 30 secondes voire quelques minutes avant en entreprenant les bons gestes. C’est la même chose lorsqu’on travaille avec de l’encre. Ce qu’on aime particulièrement avec l’aquarelle c’est l’effet de fusion. Comme ça commence à sécher, on peut revenir un peu avec un pinceau pour assombrir les nuages. En effet, les dessous sont souvent beaucoup plus sombres parce qu’ils sont chargés et vont tomber comme on dit. En faisant ça avec un papier Montval, on relèverait la couche en dessous mais avec une feuille Arches, on donne du relief à l’œuvre.
Lorsqu’on peint des ciels d’été, on n’utilise pas la même technique parce que le travail est facile et beaucoup plus simple. Comme il y a encore une petite humidité dans ce petit endroit, on a envie d’en profiter pour créer une rangée d’arbres. Pour cela, on va beaucoup travailler en valeur plutôt qu’en couleurs c'est-à-dire qu’on va rester dans la même gamme de teintes. On prend un très beau vert pérylène de chez Winsor pour donner de l’harmonie. Du fait que le papier soit encore mouillé, la peinture va se fuser et créer des auréoles. Si on le fait plus tard, ça n’aura pas le même effet. Ca nous fait penser à la série de vidéo qu’on a réalisé avec Valérie Telesca sur le mix media. C’est une nouvelle technique dans laquelle on travaille sur une toile ou une résine fraîche avec des peintures réactives. Avec le papier mouillé, on retrouve le même environnement. Les couleurs font ce qu’elles veulent. Dans l’aquarelle, on accompagne la peinture avec les mêmes matériaux et les mêmes gestes. On la laisse vivre sa vie sans vouloir toujours tout contrôler.
Dans la prochaine étape, on va commencer à faire le paysage. On voit bien maintenant que le papier est moins humide. Sur la photo, on aperçoit le mont Cassel et la forêt qui se détachent de tout. On observe que le travail réalisé par Dominique Darras est plus reposant que le modèle original. L’ensemble est beaucoup plus harmonieux et moins menaçant. Ce qu’il faut comprendre c’est que dans un tableau, on a une zone de calme et des parties plus mouvementées. Pour finir le paysage, on prend un gros spalter humide et on applique sur la toile de la terre de sienne. Comme pour le ciel, on doit bien fermer les coins en restant dans les tons sobres.
On part carrément vers un autre sujet. Normalement dans un paysage, il faut toujours être harmonieux. Sur la palette, on travaille mieux. Une marine c’est vite fait. On peut faire un ciel comme sur notre tableau puis pour la mer, on prend un spalter un peu sec qu’on plonge dans une couleur bleu. Ensuite, on écarte les poils et on le passe d’un coup sur le bas de la feuille. On n’aurait même plus besoin de dessiner des vagues.
La dernière étape de la démonstration consiste à enlever le scotch sur les bordures. Surtout, il ne faut jamais tirer d’un seul coup même si le papier comme l’Arches est solide. On risque toujours de l’arracher du support. Il vaut mieux le dérouler petit à petit jusqu’à la fin. On n’attend pas que la toile sèche puisque quelquefois, l’eau s’infiltre en dessous et va fuser. Le mieux est d’enlever le scotch pour que les bordures blanches restent intactes. Par contre, on laisse le scotch kraft en place car ça préserve la rigidité du papier. Il va faciliter le travail de la personne qui va encadrer la toile.
Quelques mots pour la fin
D’après les expériences vécues par Dominique Darras, on rate une peinture à l’aquarelle du ciel lorsqu’on y travaille trop. Il faut donc acquérir de la vitesse pour ne pas bousiller sa toile. On doit également projeter et anticiper sans trop y réfléchir. Il faut y aller vraiment et avoir une bonne palette à portée de main.
Merci à Dominique Darras pour cette démonstration. Elle nous a fait vivre des moments extraordinaires. Et comme ses bouquins font partie de son personnage, vous les retrouverez sur notre boutique : Peindre les bords de mer à l’aquarelle réalisé en collectif, Peindre la Flandre et la Côte d’Opale à l’aquarelle, La baie de Somme et ses environs. Comme on trouve des pas à pas à l’intérieur, on ne manquera pas de l’ouvrir dans une petite vidéo. Le matériel nécessaire pour peindre un ciel à l’aquarelle est également disponible sur Rart.fr. Merci pour vos encouragements et votre fidélité. A bientôt.